001. It was always you and me.
C'est lors d'une journée ensoleillée que naquit Lyseon. A ses côtés, son grand frère qui la fixait avec des yeux émerveillés, son père qui semblait déjà sous le charme. Quant à elle, elle reposait déjà dans les bras de sa mère. Elle hurlait à plein poumons, les premières bouffées d'air lui brûlant les bronches, et c'est en croisant le regard de Daenor qu'elle se tut. Leur amour se forma à cet instant, un lien fraternel puissant qui allait les lier à tout jamais. Daenor allait devenir à jamais celui en qui Lyseon offrirait une confiance aveugle et une obéissance toute aussi grande. Si parfois même ses parents pouvaient avoir du mal à la tenir en place, il suffisait que son frère soit dans les parages pour qu'elle essaie d'être la petite Lady qu'on lui demandait d'être. Une présence magique et reposante pour tous les domestiques de la maison qui devaient repasser derrière chaque bêtise qu'elle faisait et que ses parents ne punissaient pas.
Lyseon fut une petite fille turbulente lors de ses premières années seulement. A cette époque, on aurait pu la draper de vêtements masculins qu'il aurait été impossible de dire si elle était fille ou garçon. Toujours à courir partout, à crier de joie, à faire tourner sa mère et ses nourrices en bourrique, à voler des fraises ou des biscuits à la cuisine. Elle était capricieuse, exigeait des livres, des tonnes de livres, toujours plus de livre, et lorsqu'on ne lui donnai pas, elle boudait. Au début, elle demandait à sa nounou ou à sa mère de lui faire la lecture pendant des heures durant, et puis en grandissant elle apprit à lire par elle-même et put contenter sa soif de savoir par elle-même, y compris une fois le couvre feu dépassé. Ah elle en a usé des bougies pour poursuivre ce merveilleux monde d'histoires lointaines. Ses préférées ont toujours été celles des terribles Dothrakis, pour qui elle avait une espèce de fascination exacerbée. Que peut-donc faire une demoiselle de ses journées à part étudier, de toute façon ?
Dans le cas de Lyseon, les activités étaient nombreuses. Elle adorait échapper à la surveillance de ses parents pour aller traîner dans la boue avec les autres gosses. Elle passait autant de temps à relaver ses vêtements ensuite en guide punition, mais jamais cela ne lui servit de leçon. Elle tentait tant bien que mal de coller son frère le plus possible, mais le jeune homme avait déjà des responsabilités à prendre et des leçons importantes à apprendre puisqu'il était destiné à être le prochain Lord de la maison Velaryon. Une position qui ne les empêcha pas de rester très proches. C'est dans sa chambre que se faufilait Lyseon lorsque l'orage frappait trop fort, dans ses bras qu'elle venait se réfugier lorsqu'elle avait vu un monstre sous son lit, et dans ses "jupes" qu'elle venait pleurer quand d'autres enfants l'embêtaient. Une gamine tout aussi agaçante et collante que souriante et lumineuse. Et malgré tout, elle ne se souvient pas avoir entendu son frère lui crier dessus ne serait-ce qu'une seule fois. Elle était heureuse, épuisait tout le monde, mais ses sourires rattrapaient tout l'agacement qu'elle pouvait susciter par ses bêtises.
002. No, I don't want this to be true.
Le jour où Lyseon perdit toute cette joie de vivre fut celui où sa mère s'en alla rejoindre les Sept. Elle était encore jeune, la trentaine, mais la pauvre femme avait attrapé un mauvais coup de froid et n'avait pas su le soigner. Lyseon fut dévastée, elle qui s'entendait si bien avec sa maman, qui adorait qu'on lui répète qu'elle lui ressemblait et qu'elle serait aussi belle qu'elle plus tard, se retrouvait seule femme de la famille. Son frère fut un soutien moral indispensable pour la gamine qui ne souriait plus. Elle ne sortait plus, restait plongée dans ses livres pour échapper à cette réalité cruelle et impossible à modifier. Une différence considérable avec les livres dans lesquels chaque mot, chaque phrase changé pouvait offrir une nouvelle fin. Il aurait suffit que sa mère ne sorte pas à un moment précis pour qu'elle soit toujours là, à ses côtés. Ceci, elle avait du mal à le digérer et préférait se noyer dans des vies qui n'étaient pas les siennes.
Cette passe dura plusieurs mois. Plusieurs mois à se renfermer, à pleurer, à déprimer. Et puis du jour au lendemain elle remonta la pente. Elle se remit à sourire, à agir comme une petite fille curieuse et ouverte, et recommence même à voir son amie d'enfance, la petite targaryenne du nom de Kalierys. Elle ne fut plus jamais la même qu'avant, très calme, très docile, elle n'allait plus jouer dans la boue, elle ne faisait plus de caprices pour avoir de livres. Si jeune, et elle avait déjà compris à quel point tout pouvait vous être enlevé si facilement. Sans doute se serait-elle sentie moins vide si sa mère était morte assassinée ou de vieillesse. Mais la maladie l'avait emportée. Un truc tout bête, même pas quelque chose de compliqué, mais qu'ils avaient été incapables de soigner. Elle avait succombé à la fièvre, tout bêtement. Et Lyseon ne pouvait en vouloir à personne, ce qui était d'autant plus frustrant. Une frustration qui s'effaça au fil des années mais qui avait définitivement tué la gamine en elle.
003. This beautiful disaster is you.
La jeune Velaryon grandissant, passant de petite fille à jeune femme. Son visage portait encore ses marques d'enfant quand elle s'intéressa pour la première fois aux corbeaux messagers du mestre. Elle passa souvent dans la volière pour les observer, se renseigna sur les différents types d'oiseaux et tomba amoureuse des hiboux. Elle en demanda un à son père qui, heureux de voir que sa fille s'intéressait enfin à autre chose que ses lèvres et semblait vouloir sortir de sa tristesse, paya le prix fort pour qu'on lui importe ce qu'elle voulait. Il paya également un maître fauconnier pour qu'il l'assiste et lui apprenne ce qu'il fallait. A compter de ce jour, la demoiselle sortit chaque jour pour aller voir son oiseau et le bichonner, le regarder voler et lui parler des heures durant. Le hibou, qu'elle prénomma Oona, fut son premier et celui qu'elle préférera parmi tous ceux qu'elle allait avoir dans le futur. Peut-être se leurrait-elle, mais elle avait l'impression que l'oiseau l'écoutait, la comprenait. Il lui apportait de l'affection, mangeait au creux de sa main en faisant toujours attention à ne pas la picorer et laissait souvent aller sa tête contre ses doigts lorsqu'elle venait le lui caresser. On aurait pu lui offrir un chien qu'elle n'aurait pas été comblée de la sorte.
Lorsque la demoiselle ne passait pas son temps à la serre, elle le passait à ce qui avait été relégué à la deuxième place dans ses passion : la lecture. Elle dévorait toujours ce qui lui passait sous la main et avait même demandé à son père de lui trouver un professeur de langues. Pour comprendre un peuple, il faut comprendre sa langue, et cette curiosité profonde qu'elle avait pour les Dothrakis la poussa à vouloir apprendre leur langue. A force de connaître le vocabulaire et la syntaxe grammaticale de leurs phrases, il était plus simple de comprendre comment ils pouvaient s'exprimer et dans quel type de moeurs se plongeait leur culture. Des savoirs complètement inutiles mais dont elle se bourrait l'esprit pendant ses temps libres, alors son père accepta. Plus tard, elle demanda également des cours de Haut Valyrien. Quelques bouquins possédaient des notes en cette langue ancienne, qu'elle ne pouvait traduire. Elle voulait être capable d'avaler chaque ligne de chaque page qu'elle avait entre les mains. Une fois de plus, son père céda, prêt à tout pour que la dernière femme de sa vie soit heureuse et comblée.
004. It was always you and me.
Femme de corps et d'esprit, Lyseon était devenue la copie pratiquement conforme de sa mère. Grande, fine, les cheveux dorés, les yeux gris bleutés, la douceur dans son regard et sur son visage... Plus elle vieillissait, plus Lord Velaryon avait l'impression de voir sa femme en face de lui, et plus il
disait "oui" à toutes ses requêtes.. C'est ainsi qu'elle obtint chaque année un nouvel oiseau et qu'à ses 19 ans elle en possédait déjà 6. Des oiseaux dont le maître fauconnier s'occupait lorsqu'elle ne pouvait pas être présente ou qu'elle préférait se consacrer à Oona. Le harfang lui avait permis de penser à autre chose qu'à sa mère, à lui rendre sa joie de vivre, le premier que lui avait offert on père, et jusqu'à sa mort il resterait son rapace préféré.
Globalement, les jours de Lyseon étaient tous les mêmes. Elle assistait à ses leçons pour être une parfaite petite Lady, s'occupait de ses oiseaux, lisait, tenait compagnie à son frère en essayant de le déranger le moins possible malgré qu'elle ait du mal à rester trop longtemps sans lui, et retournait se coucher. Une vie linéaire et plate mais qu'elle affectionnait sans mal. Elle crevait d'envie de voyager et prenait plaisir à vagabonder à Westeros, mais ses rêves de curiosité la poussaient bien au delà du Détroit, dans les grandes plaines d'Essos. Une contrée qu'elle savait qu'elle ne visiterait jamais. Alors en attendant, sa petite vie lui allait.
A la mort de son père, elle fut surprise de ne pas ressentir la peine qu'elle avait enduré pour sa mère. Elle était triste mais ne se sentait pas aussi mal que pour Lady Velaryon. Son deuil se fit lentement mais sans difficulté et la demoiselle fut contente que son frère puisse enfin prendre toutes les responsabilités pour lesquelles il avait tant travaillé durant toutes ces années. Les années prouvèrent qu'il était taillé pour s'occuper de Dragonstone et Lyseon n'en était que plus gonflée de fierté. Il avait moins de temps pour elle, mais elle supportait ses absences à chaque fois que c'était nécessaire et l'accueillait avec joie lorsqu'il trouvait enfin un peu de temps pour aller. En dépit de la bienséance, la petite soeur aimait toujours autant prendre son grand frère dans ses bras et le taquiner continuellement. Choses qu'elle ne faisait pas en public, mais dont il n'échappait pas en privé. Aujourd'hui encore, elle n'a ni secret ni cachotterie pour lui et c'est toujours le premier à qui elle se confie. Elle redoute plus que tout le jour où elle devra, à son tour, accomplir son devoir et quitter son frère et sa maison pour rejoindre la demeure d'un homme qu'elle n'aura probablement pas choisi. Quelque chose qui l'angoisse mais qu'elle fera sans hésiter pour la réussite et la fierté du nouveau Lord de la maison Velaryon.